La perspective d'écrire en détail l'histoire de sa vie depuis sa naissance a de quoi effrayer plus d’un : « il va me falloir noircir des centaines de pages pour tout raconter ! Je n'aurais jamais le temps ni le courage d'aller jusqu'au bout. Je préfère ne pas me lancer dans l'aventure plutôt que de commencer et d'abandonner en cours de route ! » D'autres personnes, par ailleurs, qui seraient tentées d'écrire l'histoire de leur vie, renoncent à le faire, à la perspective d'avoir à raconter certains épisodes dont le souvenir leur est insupportable : « remâcher tout ça va rouvrir d'anciennes blessures que j'ai eu bien du mal à faire cicatriser ! » S'il s'avérait qu'il est possible d'écrire certains éléments seulement de sa vie, ses objections disparaissent… Mais y aurait-il d'autres bonnes raisons, au contraire, de « tout dire », « absolument tout » ? La question est essentielle : il s'agit ainsi de choisir l'objet du texte : de quoi va-t-on parler ?

Description de l'expérience

Pour clarifier ce choix, nous vous proposons d'utiliser la technique de « prise de décision » la plus classique, à l'égard d'une option à prendre : tracer un tableau en deux colonnes et indiquer d'un côté les raisons de choisir le « oui », de l'autre celle de préférer le « non ». La décision ne découle pas mécaniquement, comme on l'imagine parfois, de la constatation que l'une des colonnes est plus remplie que l'autre. Il s'agit simplement d'éclairer le choix, en explicitant les arguments… même si finalement, ce ne sont pas eux qui emporteront la décision. Ici, les arguments sont déjà formulés et la liste n'a pas d'autre intérêt que de faire réagir le lecteur et de l'inviter à argumenter sa propre position.

Consignes

Lisez les douze arguments formulés ci-dessous, repérez-le ou les plus convaincants à vos yeux. En utilisant l'idée ou le texte lui-même, mentalement ou par écrit, démontrer le bien-fondé de la solution que vous allez adopter. Il n'est évidemment pas interdit de modifier la formulation des arguments présentés ou d'en inventer d'autres !

Application à votre projet

L'argumentation que vous aurez rédigée ainsi peut être intégrée telle quelle à l'introduction de votre texte. Elle oriente aussi l'ensemble de votre travail et vous sera fort utile, même si vous ne l'incluez pas dans votre récit.

Quelques arguments pour ou contre…

Il faut tout dire dans ses mémoires

Il ne faut pas tout dire dans ses mémoires

ŒC'est une question d'honnêteté : mentir par omission ou en transformant la réalité, quelle différence ?

’ D'abord, c'est impossible de tout dire : si un sexagénaire disait tout, absolument tout, sur les 60 ans de sa vie écoulée, le lecteur mettrait 60 ans à le lire !

 Notre vie est comme une machine compliquée : le moindre élément a une influence sur l'ensemble : si l'on dissimule ou transforme un détail, c'est le sens général qui s'en trouve altérée.

“ Il n'est pas souhaitable de tout dire dans ses mémoires : même si le texte ne doit être lu que par ses proches parents ou amis, il faut savoir respecter et faire respecter son intimité ; il y a des choses qui ne les regardent pas !

Ž Ce qu'on a envie de passer sous silence, c'est précisément ce qui nous serait le plus bénéfique d'exprimer : raconté un souvenir désagréable est le meilleur moyen de le « mettre à distance » et de l'empêcher de vous « pourrir la vie ».

” Un récit recompose toujours ce que l'on a vécu en mettant en ordre les éléments, en accentuant certains, en atténuant ou en éliminant d'autres. Dès lors qu'on écrit, on présente le réel à sa façon, et quelqu'un d'autre présenterait les choses autrement.

 Franchement, je ne voudrais pas qu'on me croie meilleur que je ne suis, si je dissimule les aspects les moins reluisants de mon existence !

• Il y a des choses qu'il vaut mieux oublier. Quand autrefois certains événements douloureux nous ont fait souffrir, il ne faut surtout pas raviver leurs souvenirs en les racontant.

 Tout ce que nous avons vécu à sa part dans ce que nous sommes aujourd'hui. On est bien obligé d'assumer ce qu'on n’a pas oublié.

    Des amis ou membres de la famille vont lire mes mémoires (ou risquent de les lire après ma mort). Je n'ai pas le droit de les troubler : quels avantages y aurait-il qu'eux aussi soient blessés ?

‘Raconter l'histoire de sa vie, c’est, à sa mesure, faire œuvre d'historien : il faut être aussi sincère que possible : où irait-on si les historiens se mettaient à mentir ou transformer la réalité ?

     Ne pas raconter certains éléments douloureux de sa vie, c'est d'une façon de les effacer et de reconstruire son existence, telle qu'on aurait voulu qu'elle soit : comme s'ils n'avaient pas eu lieu.

 Autres applications à votre projet : écrire partiellement ses mémoires, une histoire de vie sectorielle

On aura a repéré que le choix proposé par l'exercice demeure théorique : si pour quelque raison que ce soit, il vous paraît nécessaire de tout dire, il reste à s'interroger sur la façon d'exprimer les éléments les plus difficiles à présenter à autrui. Si, au contraire, la difficulté à présenter certains éléments de sa vie paraît insurmontable, on peut envisager une rédaction incomplète.

Notre vie peut se découper « dans le sens de la longueur » et « dans le sens de l'épaisseur » ! Dans le sens de la « longueur », le découpage est chronologique : d'abord l'enfance, puis l'adolescence, l'âge mûr, etc. - et l'on peut très bien décider à priori de ne raconter que l'une ou l'autre de ces périodes. (Exemple ci-dessous).

Mais dans chaque période de sa vie, on connaît plusieurs types d'expérience en même temps. Entre douze et quinze ans, par exemple, tel jeune garçon aura été en même temps (« dans le sens de l'épaisseur » !) - collégien, apprenti footballeur, fils modèle de sa mère veuve de guerre ; il aura connu ses premiers émois amoureux avec sa jeune voisine de palier, aura été le témoin des grandes grèves au lendemain de la guerre 1939-1945, etc. Autant de thèmes dont chacun pourrait être le sujet d'un chapitre de ses mémoires… ou de sa totalité. Pourquoi ne pas se contenter d'écrire l'histoire sportive, affective ou familiale de sa vie ? On trouvera quelques exemples ci-dessous pour éclairer cette perspective.

Quelques exemples « d'histoires de vies sectorielles »

« Vieux militant communiste, j'ai rédigé mes mémoires pour montrer à travers les épisodes de ma vie d'enfants du milieu populaire, d'apprentis puis ouvriers à la chaîne à l'usine Renault de Billancourt, que la société est, dans ses moindres détails, modelés par la lutte des classes. Toute ma vie ne prend de sens qu'en fonction de cette loi universelle. »

« Finalement, je ne vais raconter que l'histoire de mon enfance. J'ai commencé par là et j'ai trouvé un tel plaisir à retrouver ses souvenirs, que je vais continuer à savourer cette période-là plus belle de ma vie. Quand on a retrouvé la clé du paradis, pourquoi vouloir aller ailleurs ? »

« Je ne voudrais parler dans ses pages que de l'histoire de ma vie d'artiste : tout ce que j'ai vécu sous le regard de la beauté. De tout petits détails sont à cet égard d'une grande importance, alors que les événements majeurs, aux yeux du grand nombre, me paraissaient dérisoires ».

« Je ne vais narrer ici que ce qui a constitué ma vie professionnelle, comme si j'étais né le jour de mon entrée en apprentissage et mort en partant à la retraite…»

Source : Écrire l'histoire de sa vie. Michel Barlow. Édition Chronique Sociale (ISBN : 978-2-36717-164-7)

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