Écrire et publier, deux démarches connexes !

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Écrire et publier, deux démarches connexes

La multitude des manuscrits reçus par les éditeurs après la période du confinement prouve, s'il en était encore besoin, que l'écriture emprunte un chemin intérieur et privé qui nécessite d'en prendre le temps…

« L'écriture est secrète parce qu'elle sécrète perpétuellement autour d'elle-même une matière invisible, impénétrable, le texte, derrière quoi elle s'abrite », livre Bernard Pingau dans ses notes de travail qu'il a tenues de 1964 à 1986 (écrire, jour et nuit, Gallimard, 2000).

Dès lors faut-il nécessairement lier le fait d'écrire à celui d'être publié ?

Qu'est-ce qui différencie l'envie d'écrire et le désir de publier ? « Écrire est cette quête d'une voix singulière, qui est soi et autre que soi, et ne cesse de scander  "viens, sur-moi ", une quête qui place au bord d'un vertige permanent, là om l'empathie ne sert même plus de rambarde », témoigne Patric Autréaux, dans la Voix de l'écrite (Verdier, 2017).

Si l'on écrit « pour entendre sa propre voix. Ou plus précisément, pour la découvrir », selon les termes de Bernard Pingaud, on s'oriente vers l'édition avec la conviction et parfois la nécessité de devoir faire entendre cette voix et d'en partager les propos.

« La personne qui parle est très bruyante : le livre est la possibilité de parler en étant silencieux », estime Patric Autréaux, pour lequel, comme beaucoup d'écrivains, l'écriture constitue un impératif. Franchir le seuil de la première publication, c'est alors devenir passeur. Car l'intention de l'écriture est d'abord intérieure : beaucoup écrivent et ne publient jamais. De cette écriture qui soulage et agit comme un confident solide. Celle de publier est d'extérioriser son intériorité. D'aller à la rencontre des lecteurs, s'y confronter, dans un esprit parfois plus de délivrance - à la façon d'un enfantement - que de véritable partage. Mais aussi d'une forme de soins, sorte de bibliothérapie offrant une voix qui restaure l'être et propose un écho à celui de son lecteur.

Quand le désir d'écrire devient subordonné à l'envie d'être publié, alors naît le projet d'une œuvre, porté par l'ambition d'être lu, compris, reconnu, d'aller à la rencontre de l'autre. Mais se peut-il que la rencontre ait lieu si l'auteur ne s'est jamais rencontré ? Reste  que l'acte de publier entraîne une contrainte, un cadre bien précis qui fait intervenir des tiers et peut être à l'origine d'une perte de désir d'écrire, d'une sorte d'intimidation. Seule l'écriture reste libre. Et intensément solitaire. En somme, nous dit Bernard Pingaud, écrire, « c'est un travail qui se fait à tâtons ». L'éditeur sera celui qui est capable de donner corps à cette présence intérieure. Entre les deux s'accomplit le mystère de l'être. Un processus proche de l'analyse. « L'écriture vise un but inconnu, le livre ne l'atteint pas, rappelle Patric Autréaux. Il forme une terre plus solide, une tête de pont pour une avancée dans le brouillard.  » On croit que c'est une frontière, c'est un mouvement : quand le non-accomplissement de soi trouve à s'accomplir dans et par les mots.

Source : Sophie Péters - HS Lire magazine littéraire - écrire & se faire éditer

 

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