Le dialogue doit être un moteur de votre intrigue. Pas une pause du narrateur qui nous laisse assister en direct aux échanges entre les personnages. Le dialogue est un outil de l'écrivain. Apparemment facile. Terriblement piégé.

Une fois que l'on a tenté toutes les solutions permettant de se passer de dialogues, le style indirect, le style indirect libre, il faut pourtant s'y attaquer. Éliminons tout de suite la question de la ponctuation : les sacro-saints guillemets ne sont pas indispensables. Si vous allez à la ligne et insérez un tiret, le lecteur averti comprend que quelqu'un va parler. On peut même insérer sans difficulté des dialogues dans le corps d'un texte, comme le fait Jean Echenoz dans "envoyée spéciale" (2016) : « Je veux une femme, a proféré le général. C'est une femme qu'il me faut, n'est-ce pas. Vous n'êtes pas le seul dans ce cas, lui a souri Paul Objat. Épargnez-moi ces réflexions, Objat, s'est raidi le général, je ne plaisante pas là-dessus. Un peu de tenue, bon dieu. Le sourire d'Objat s'est dissous : je vous prie de m'excuser mon général. N'en parlons plus, a dit le gradé, réfléchissons ».

Réduisons les incises. Inutile d'écrire « demanda-t-elle » si la réplique contient un point d'interrogation. Inutile de prendre le lecteur pour un sot : « Matéo frappa la table d'un violent coup de poing : quoi cria-t-il en colère, tu ne lui as rien dit ? »

Qui parle ? Comment ?

Trouvez les voix : chaque personnage doit avoir la sienne, et ce n'est pas celle de l'auteur. Trouver comment s'exprime  chaque personnage est un enjeu majeur de la construction des dialogues : quel lexique, quel rythme, quel tic de langage ? On peut caractériser une voix avant la prise de parole. Si un personnage a un accent, dites-le, mais ne tentez pas de le reproduire phonétiquement. Dire « elle avait un fort accent marseillais » est préférable à l'insertion d'un "peuchère" sans ses propos. Faites bouger les personnes, le dialogue n'est pas hors-sol.

Pourquoi parle-t-il ?

Parce qu'il y a quelque chose à dire. Pour fournir des informations sur les personnages, faire progresser l'intrigue, installer une tension… Supprimez l'inutile, l'évident, suivez le conseil que donne Elizabeth George dans « de l'idée au crime parfait » (2021). « Dans les exemples de répliques inutiles, rien ne me hérisse plus que la réponse à un coup de fil : « elle décrocha le téléphone. - Allo ? dit-elle.  » Quelle absurdité ! Tout le monde sait que la première réponse à un appel est « Allo ». Mieux vaut l'exprimer ainsi : « je me dirigeai vers le téléphone. C'était mon frère. - 2coute ma petite, furent ses premiers mots. Il ne m'en fallait pas plus pour comprendre que les ennuis m'attendraient à l'autre bout du fil.  »

Frédérique Anne - HS Lire magazine littéraire - Écrire & se faire éditer.

Pour aller plus loin :

• Écrire des dialogues, de Tom Chiarella. Édition Écrire aujourd'hui