Par Marie MARTIN, Écrire magazine 119

On croit connaître l'usage de l'imparfait, mais il réserve quelques surprises. On distingue ici trois de ses emplois aussi différents que subtiles.

L'imparfait : action qui dure

Au sens propre im-parfait signifient inachevée, et donc qui dure encore. L'imparfait s'emploie donc pour désigner des actions, des événements qui ont commencé dans le passé et qui durent encore au moment où l'on parle.

Mais cette idée de durée peut recouvrir trois cas selon le contexte.

L'imparfait couplé : le décor

L'emploi le plus habituel de l'imparfait est celui de son emploi couplé avec un autre temps du passé, avec lequel il fait contraste.

  1. Avec le passé simple : « j'écrivais quand mon père entra ».
  2. Avec le passé composé : « j'écrivais quand mon père est entré ».
  3. Avec le passé antérieur : « j'écrivais quand mon père était entré ».

Dans tous ces cas, le verbe à l'imparfait fait figure d'arrière-plan, de décor, pour l'action indiquée par l'autre verbe.

La première action dure encore quand le second advient, faisant contraste avec elle : « il pleuvait quand je suis sorti ».

On dit alors que l'imparfait a une fonction descriptive, alors que le second verbe prend une valeur narrative (l'événement).

Mais si l'imparfait est employé seul, il peut prendre d'autres valeurs.

L'imparfait seul : la mémoire

Employé seul, à titre principal, l'imparfait est alors dit de narration. Il évoque des événements passés, mais comme s'ils existaient encore par l'imagination et la mémoire. Alain Fournier (le grand Maulne), Proust (à la recherche du temps perdu) Andrei Makine (le testament français) utilisent ainsi la narration à l'imparfait pour nous faire ressentir la puissance des souvenirs quand ils sont revécus en imagination.

Cet imparfait est alors psychologique et non plus logique ; on le qualifie de « pittoresque ». Il contribue puissamment à créer dans le texte une impression d'étrangeté et parfois d'exotisme. Et il correspond à un regard subjectif et comme émerveillé du souvenir : « le soir, je me couchais dans mon petit lit et j'attendais ma mère qui me faisait un baiser sur le front. Et je refusais d'éteindre tant que je n'avais pas eu mon baiser.  »

Cet imparfait « de répétition » est employé chez Proust même pour des événements singuliers, non répétitifs, il contribue alors au « temps retrouvé », thème du livre.

L'imparfait pris pour le conditionnel

Dans d'autres cas, l'auteur emploie l'imparfait alors qu'on attendait logiquement le conditionnel pour désigner un événement à venir sous condition.

C'est le cas des enfants qui utilisent cet « imparfait préludique » : « j'étais le cowboy et toi tu attaquais mon cheval…". Cet imparfait expressif perd alors sa valeur de passé ; il crée, grâce au jeu de l'imagination un « présent duratif » qui s'affranchit du temps.

Bien des enfants l'emploient pour remplacer le conditionnel, plus difficile à conjuguer. C'est le cas de l'Afrique francophone où l'on entend souvent l'expression « aller à l'imparfait, plus infinitif », comme son exemple : « si on rigolait en classe, on allait avoir des punitions » (pour : on aurait des punitions).

Mais on trouve aussi cet emploi chez de grands auteurs comme Victor Hugo : « un pas de plus, elle était dans la rue » (pour : elle serait).

L'action est aussi présentée en plein déroulement, sans origine ni fin, ce qui l'intègre mieux au fil du récit, quand le personnage prend ses désirs pour des réalités. D’où sa force expressive (au même titre d'ailleurs que le présent de narration, mis a la place du passée). Cet emploi est reconnu par le dictionnaire Grevisse du bon usage, sous le terme de « imparfait de conséquence infaillible", qui concurrence ainsi le conditionnel présent ou passé.

En conclusion l'impératif peut non seulement constituer l'arrière-plan du récit sur lequel vont se détacher des événements singuliers, mais encore, par le jeu de l'imaginaire, valoir pour le premier plan.

Et cela, par le jeu de la mémoire et de l'imagination qui nous transportent en esprit dans le passé encore vivant ou le futur envisagé. Et cela contribue au pittoresque mystérieux du récit comme fusion dans le présent du passé futur.

 

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