Sur un radeau sable et sel

où nous cherchions fortune,

ton passé tu avais embarqué,

ma ligne de vie l'avait contourné.

 

Turbulence des vents déchainés,

mer grondante, soleil voilé,

nous avons erré amour contre amour,

déchirure contre déchirure.

 

Mon seul amour du présent et du futur,

à notre rencontre de demain,

nous aurons cerné nos désirs.

 

Sous les embruns aux multiples pardons,

au dernier phare, nous accosterons.

Mon seul amour du présent et du futur…

Viviane Michel

Il s'inventait chaque fois un autre nom

avec ou sans particule

pas d'argent pour s'en acheter ou le regretter

non il était né dans les barbelés

un peu ici un peu par là

pas eu le temps de voir où

il en était revenu depuis longtemps

il se croyait orphelin mais non

depuis il s'inventait chaque fois un autre nom

il visitait chaque fois un autre casier

cartes de visite

masques de cire

jambes de bois

cervelles de plâtre

les femmes n'y croyaient pas

il s'inventait chaque fois un autre nom

vermine ou émeraude sphynx ou rubis

mais les hommes n'y croyaient pas

un jour il se fâcha sans nom

sans savoir qui il était qui il aimait

il se fit baptiser

Viviane Michel

Miroirs des villes mortes

Quand nous dévoilerez-vous

le parcours de ces cerfs-volants

qui se muent

tantôt en fourmis

tantôt en papillons

et dansent sur notre sommeil

pour se coucher sur nos illusions

 

Viviane Michel

Décor du monde

et de moi-même

je t'inscris là

sans mots sans lèvres

sur l'affiche de demain

sans peur sans haine

de te voir un jour

habiter mon lit

et pour peu

qu'il m'en souvienne

la rue est toujours là

immobile lourde

sanglante et généreuse

et pour peu

qu'il m'en souvienne

tu es toujours là

mon amour mon enfance

sur l'affiche d'hier.

 

 

Que veux-tu dire encore

que le monde ne sache.

Viviane Michel

Je n'ai emporté d'hier qu'un squelette de paille

soit que j'y mets le feu

ll brûle jusqu'à mon sang

soit que j'y mets le fer

il pleure et saigne mon temps

 

à ma mémoire je l'ai dédié

à mes amis je l'ai porté

à la rue je l'ai jeté

à l'instant il revient affamé

 

il occupe mes quartiers du passé

il se soûle le jour entier

il se soûle pour mieux rêver

il se soûle pour mieux chanter

 

d'ailleurs regardez

aujourd'hui encore il a dansé.

Viviane Michel

Elle est belle de cet amour où s'accrochent les rêves,

où l'âge s'attarde auprès du premier baiser,

où le cœur rit de se savoir encore vagabond.

 

Elle est belle de ses saisons où grandit le poète,

où la femme cédait l'été à l'amour,

où la mère s'est tue en adorant l'enfant.

 

Elle est belle de cette fête où l'entraîne la danse,

où le soleil inonde ses cheveux,

où l'amour la fait reine en épousant ses yeux.

Elle est belle de ce monde où règne la femme,

où le corps n'a d'autre parure que l'amour,

où la beauté rend les mots inutiles.

Viviane Michel

Nous y viendrons

aux jours de joie

tendus d'amour

enlacés de tendresse

aux jours des partages

aux jours des sans-façon

 

Nous y viendrons

dans la neige

la pluie

le soleil

et le vent

riches de n'être rien

au milieu de ce tout

Viviane Michel

Ceux-là que j'aime

 

ils vivent

d'amour et de légendes

qui leur ouvrent

complices

l'aube

receleuse de nuits

Ceux-là que j'aime

 

Ils vivent

en bandes

qu'ils quittent parfois

les yeux chargés d'offrandes

pour revenir

silencieux et las

Ceux-là que j'aime

 

Ils dorment

sous des rêves en satin

dans des forêts en feu

se promettant

de réveiller le monde

demain

Ceux-là que j'aime

 

Ils brûlent

la semaine

et l'heure

piètres cadeaux du temps

pour allumer

l'instant

Ceux-là que j'aime

 

Ils inventent

des mots fabuleux

pour tracer leur vie

un langage

qui doit mourir

faute d'air

Ceux-là que j'aime

 

Ils creusent

le sable

pour y trouver

le nom oublié du poète

de leur enfance

Ceux-là que j'aime

 

Ils creusent

le sillon

d'où montera demain

l'éternel

l'universel

cri d'amour

Ceux-là que j'aime

Viviane Michel

Au cœur de la pierre

O pierres ! Faites que ma vie s'inscrive dans votre pureté !

Détachez-la du sable où je la vois accrochée.

 

D'aucune marée elle n'a pu tirer sa vérité.

Serait-ce de n'avoir rien mérité ?

 

Et le vent qui rudoye son visage,

Pourquoi le marque-t-il à tous les rivages ?

 

Serait-ce qu'il ne connaît pas son âge ?

Serait-ce… l'empreinte du sage ?

 

Griffée au sable des marées,

Par le vent gifflée,

Comment veut-on que je la reconnaisse ?

 

Sable et vent, je vous l'enlève sans pitié.

Je vous préfère la pierre et son éternelle vérité.

Viviane Michel

Mon Dieu, s'il est vrai que vous avez toute puissance

Laissez-les vivre encore un peu

De cette vie qui refuse toute délivrance

Mon Dieu, laissez-les vivre encore un peu

 

Mon Dieu, s'il est vrai que vous avez toute bonté

Laissez-les rire encore un peu

De ce rire qui traverse toute obscurité

Mon Dieu, laissez-les rire encore un peu

Et aussi vrai, mon Dieu, que je crois en eux

Si fort que vous n'êtes plus qu'une ombre, mon Dieu

Je m'en irai vers vous s'il est vrai

Que vous me pardonnez de les avoir trop aimés  

Viviane Michel

Paola de Calabre

Embellie au soleil d'Italie,

Venue à nos cœurs engourdis,

Sous un ciel redoutable.

 

Princesse de Boticelli,

À vous rebeller, vous aurez vite appris.

Spontanée et insoumise,

Vous provoquiez à votre guide.

 

Parmi les pantins livides aux lourdes tares héréditaires,

Au travers du rituel austère,

Vous affrontiez Laeken, la morbide.

 

Vous vous êtes mésalliée du clan et devenue le Belle au Bois dormant : apparitions publiques obligées

Au prix d'une solitude épousée.

 

Paola de Calabre

À notre ciel gris convertie,

Par les ans votre beauté affermie,

Vous aurez accepté l'inéluctable.

 

Princesse de Liège,

De Liège la républicaine,

Vous incarneriez Marianne, en souveraine :

Envers la dynastie, superbe sacrilège.

 

Paola de Calabre

Princesse de Belgique

Princesse de Liège

Femme de marin.

Viviane Michel

 

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